9.2.11

D'une conversation anodine et de la fabrique de souvenirs


"Tu connais l'Irlande?
-Non. Et pourtant, que de souvenirs!"
Il y a des phrases comme cela. Selon qu'on est ou non prêt à répondre, elles vous trouent ou vous scotchent. Celle-ci s'est mis à me trotter dans la tête, avec un tel aplomb d'évidence, que je ne pouvais que tenter de la laisser rôder chez vous.
Il y a des lieux dont on découvre au premier regard qu'ils portent votre mémoire, il y a ces livres qui sont des bien sûr.
Il y a toutes ces chansons, ces musiques dont la source chaleureuse révèle l'inscrit en nous, comme à l'encre sympathique, le tatouage invisible d'une émotion enfin nommée. Les tableaux qu'on regarde en disant, merde, j'ai habité là, j'y suis encore.
Et puis ces gens qu'on cesse si vite de dévisager, pour aller l'amble avec eux, sûrement, sans hâte et sans alarme, parce qu'au fond, on les connaît de très longue haleine. Parce qu'il a suffit de quelques mots pour dérouiller une grammaire commune qui ne faisait que sommeiller faute d'emploi.

"Tu connais l'Irlande?
-Non. Et pourtant, que de souvenirs!"

Est-ce que cette phrase n'a pas toujours été?

5 commentaires:

JEA a dit…

De l'Irlande, ce souvenir : des gens, isolés, plutôt invisibles, qui chantaient ou sifflaient dans les petites brumes très matinales partageant leur lit avec une rivière...

Tili a dit…

Non, mais ça viendra :-)

Valérie de Haute Savoie a dit…

Aller l'amble... c'est tellement expressif et je vous vois devisant :o)

Anonyme a dit…

Je crois que j'aurais dit "oui, je connais l'Irlande". Et pourtant si peu finalement... Davantage de ressenti que de vécu !

Claudette

Oxygène a dit…

Un vent glacial, même en août, des haies de fuschias, l'herbe grasse et la pierre confondues, un très beau gosse, un peu voyou, à l'oeil photographique et quelques cadavres qui flottent sur la Liffey.